Eric Ruf: “Não podemos escapar tanto do nosso destino” #ÚltimasNotícias #França

Il est metteur en scène, scénographe, acteur et surtout, depuis près de 11 ans, le patron du Français, l’administrateur général de la Comédie-française. Devoir partir le rend-il mélancolique ? “Je suis rentré à 23 ans dans cette maison, et j’en partirai au bout de 33 ans, j’espère, pas crucifié. Il y a un ratio d’émerveillement toujours positif par rapport aux ennuis avec ce genre de poste. Donc je sais ce que je vais quitter : une qualité, une expertise, un niveau de participation des uns et des autres absolument exceptionnel parce que c’est la Comédie-Française et que dans tous les services, ce sont de grands professionnels, cela me procure un peu de mélancolie.”

Marina Hands, la Bretagne et la mélancolie

Le théâtre a été pour lui un moyen de s’affirmer face à un père autoritaire, tout en suivant paradoxalement une voie similaire : “Mon père voulait que je sois chef de clinique. J’ai essayé d’échapper en faisant du théâtre, sauf que j’ai dirigé la Comédie-Française. On n’échappe pas tant que ça à son destin.” Il monte aujourd’hui, Le soulier de satin, l’œuvre monumentale de Paul Claudel à la Comédie-Française. S’il était une comédienne, il serait Marina Hands avec laquelle il travaille “Elle a tout, elle est immense. J’ai rarement vu une telle laborieuse avec un instinct aussi grand”, Un méchant ? Il serait Don Alphonse d’Este, le mari de Lucrèce Borgia dans la pièce éponyme de Victor Hugo “je suis arrivé à un âge où on joue les méchants, c’est une palette de jeux extraordinaire.” Un paysage ? “J’ai eu la chance de bricoler une maison à Penmarc’h au sud Finistère, la fin de la Terre. J’adore y aller pour l’impression d’aller au bout du bout de la Terre”. Et une émotion ? “La mélancolie, un sentiment profond qui n’est pas exempt de joie, « La mélancolie, donc le bonheur d’être triste.”

Ouvrir La Comédie-Française

Il a connu huit ministre de la Culture, et a modernisé la Comédie-Française. Mais ce qui le rend le plus fier, c’est d’avoir été présent deux fois au Festival d’Avignon, “la première fois, c’était en 2016. Cela a été vraiment une ouverture pour moi qui m’a permis de resituer le français dans un cercle vertueux, et de faire venir surtout plein de metteuses et de metteurs en scène de renom qui se sont aperçus que la Comédie-Française était un point d’atterrissage tout à fait possible. Ce qui me rend encore plus fier, c’est la venue de beaucoup de gens dans cette maison. On a quelquefois peur d’y entrer. Mais dès qu’on y met les pieds, on s’aperçoit que c’est une maison de labeur.” Autre évolution notable : la présence accrue des comédiens de la troupe au cinéma, passant de “trois personnes qui faisaient du cinéma” à “trois qui n’en font pas”.

“Le soulier de satin” de Paul Claudel

Pour son départ, il offre un bouquet final spectaculaire en adaptant l’une des œuvres mythiques du théâtre français, une œuvre monumentale, aussi désirée qu’intimidante pour un metteur en scène, qui a été rarement montée. Le soulier de satin de Paul Claudel raconte une histoire d’amour adultère entre un jeune homme et une femme mariée dans l’Espagne du XVe siècle. Pour Eric Ruf, si la pièce fait peur, c’est “parce que c’est un peu “La recherche du temps perdu” théâtrale, un Vendée Globe du théâtre, une grande traversée avec beaucoup d’actrices, et d’acteurs. Et puis, Paul Claudel malheureusement fait peur, il s’est fait emburer malgré lui. J’ai l’impression alors que son théâtre est le paradoxe absolu de sa vie, c’est un livre picaresque. L’un des grands amours de Claudel, c’était Shakespeare, c’était le Siècle d’or espagnol, donc c’est une fresque absolument dingue.”

Un théâtre qui répond aux besoins contemporains

Pour Éric Ruff, le succès des pièces longues durées s’explique par un besoin croissant d’immersion dans notre société hyperconnectée. S’enfermer plusieurs heures dans un théâtre, loin des portables et des sollicitations permanentes, devient paradoxalement un “luxe”. Cette expérience collective permet aux spectateurs de “se concentrer sur une seule chose” et de “dormir sur une émotion”, une rareté à l’heure du divertissement fragmenté.

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